• On croirait, à première vue, avoir affaire à un cadre de piste classique, comme on en trouvait partout sur les vélodromes à cette époque. Pourtant quand on regarde de plus près, on se rend compte que cette machine présente des choix technologiques originaux, fruits d'une collaboration étroite entre un coureur et « son » cadreur, et d'une attention portée aux détails qui, dans les grandes occasions, peuvent faire la différence. Mais cela, on y reviendra.

    Ce Motobécane est, c'est ce que je vais essayer de vous montrer, un vélo d'exception au service d'un grand pistard français.

    Un mot sur le coureur d'abord. Alain Bondue est né à Roubaix en 1959, il commence le vélo à 10 ans dans cette ville connue pour la mythique Classique Flandrienne qui porte son nom, mais aussi pour son vélodrome.
    Sa carrière amateur sur route est brillante et il est vite repéré par la jeune équipe La Redoute – Motobécane, dont les liens avec le Vélo-Club de Roubaix sont directs.
    Commence alors pour Alain Bondue une très belle carrière pro à La redoute – Motobécane (1980-1985) puis dans la naissante et non moins talentueuse équipe Système U (emmenée par Laurent Fignon et dirigée par Cyrille Guimard) jusqu'en 1987. Son palmarès comporte quelques belles victoires sur des étapes des grands Tours, des victoires et des podiums sur des CLM et des Grands Prix, et une très belle 3e place sur le Paris-Roubaix de 1984 (l'année de Sean Kelly). Vous trouverez tout son palmarès sur piste, ici :
    https://www.les-sports.info/alain-bondue­-cyclisme-sur-piste-spf56998.html
    Et sur route, là :
    https://www.les-sports.info/alain-bondue­-cyclisme-sur-route-spf47835.html

    Mais c'est surtout sur la piste, dans l'épreuve de poursuite individuelle qu'Alain Bondue excelle, puisqu'après une très prometteuse médaille d'argent aux JO de Moscou en 1980, qu'on peut voir là :
    https://www.youtube.com/watch?v=zQzvkGDr­J0U

    le Roubaisien remporte l'or par deux fois aux Championnats du monde de cyclisme sur piste à Brno (Tchécoslovaquie) en 1981 et à Leicester (Royaume-Uni) en 1982 (on reviendra sur ce dernier titre). Il est aussi huit fois champion de France de poursuite individuelle en juniors, amateurs et pro (et trois fois en équipe).
    Bref, Alain Bondue, la piste ça le connaît, il fait partie des grands champions français, aux côtés des Daniel Morelon, Arnaud Tournant ou Florian Rousseau.

    Parlons maintenant de cette épreuve des Championnats du monde de cyclisme sur piste qu'est la poursuite individuelle.
    C'est une épreuve qui est testée en 1938, mais qui, pour cause de deuxième guerre mondiale, ne sera officialisée qu'en 1946 aux Championnats du monde de Zurich. C'est d'ailleurs un Français, Roger Rioland, qui remporte l'or pour cette première édition en amateur ; un autre Français remporte l'argent pour la catégorie des professionnels : Roger Piel.
    Jusqu'en 1993, cette épreuve est divisée en pro et amateurs.
    La règle est simple : Deux coureurs s’affrontent sur une distance déterminée (à l'époque : 4000 m pour les amateurs, 5000 pour les pros). Ils prennent le départ en deux points opposés de la piste. Est déclaré vainqueur, le coureur qui rejoint l’autre coureur ou le coureur qui enregistre le meilleur temps (cf. règlement UCI).

    En cette année 1982, Alain Bondue, champion en titre, fait figure de favori. Son concurrent le plus sérieux est le Danois Hans-Henrik Ørsted, présent sur les podiums depuis deux années et finaliste en 1981 en Tchécoslovaquie.
    À noter que les athlètes de l'Est couraient, eux, dans les épreuves amateurs.

    Venons-en maintenant à ce qui nous intéresse le plus ici : son vélo.

    Comme nous l'évoquions plus haut, à cette époque, les vélos de piste (même ceux de poursuite) avaient assez peu évolué dans leur géométrie et leur équipement. Il s'agissait de vélo avec cadre acier, à raccord, guidon de piste classique, potence droite ou plongeante, jantes plates...
    Pourtant en cette année 1982, les équipes d'Allemagne de l'Est et de l'ouest (dans la catégorie « amateurs »), un peu plus en pointe que les autres équipes, débarquent avec des vélos plongeants. Gris pour les coureurs de l'Est, avec les guidons « corne de vache » fixés au té de fourche (probablement des Textima), et blancs pour ceux de l'Ouest avec « corne de vache » et potence plongeante.
    Leur duel fratricide est visible là : https://www.youtube.com/watch?v=LBzE_Qpj­1t4

    Mais les professionnels roulaient sur des vélos plus conventionnels, ils étaient en effet liés à des constructeurs qui imposaient des vélos "commercialisables" et donc visuellement proches de ceux que le public peut trouver au catalogue.
    Cependant, Alain Bondue, lui, roulait sur un vélo, certes classique visuellement, mais tout sauf conventionnel.


    https://twitter.com/javigoros61/status/6­28979282786799616/photo/1


    https://www.imago-images.de/sear

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