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    Mais revenons à Merckx. Lorsque qu'il décide en 1972 de tenter le record, le tenant est Ole Ritter.

    Le coureur danois de l'équipe italienne Germanvox-Wega, coureur sur route qu'on pourrait qualifier de « bon mais pas top », a établi son record le 10 octobre 1968 dans le vélodrome olympique de Mexico, sur un superbe Cinelli stické Benotto, battant de 500 mètres le tenant belge Ferdinand Bracke.

    https://www.ina.fr/video/CPF04006454

    Comme on l'apprend dans cette vidéo, Ritter avait fait des choix audacieux pour battre le record.

    Tout d'abord, le choix de Mexico, et sa piste flambant neuve. L'altitude (2200 m) a deux effets contradictoires sur la performance d'un cycliste : d'un côté, la raréfaction de l'oxygène limite les capacités pulmonaires des athlètes et de l'autre, elle facilite la pénétration dans l'air. Ritter pensait que le second l'emportait sur le premier.

    Ensuite, sa préparation a été exemplaire, il a accompagné l'équipe italienne de piste qui faisait un mois de stage à Mexico. Ce mois de préparation lui a permis de s'acclimater à l'altitude et de limiter les effets du manque d'oxygène sur son organisme.

    D'autre part, si son matériel ne présente pas de spécificités particulière, le champion a fait un choix important sur le braquet. Alors que beaucoup pensait qu'un record pouvait s'établir autour de 6200 tours de pédales (contre 6260 pour le record de Bracque), Ritter fait un choix inverse et réduit son braquet pour un total de 6328 tours.

    48,653 km, voilà où en est le record.

    On sait que Merckx avait ce projet en tête depuis un certain temps, mais c'est en août 72 qu'il a véritablement décidé tenter la performance. Son calendrier est chargé et les opportunités sont rares et comme le lui rappelle sa femme : « toi, Eddy Merckx, u ne peux pas te permettre de ne pas le battre ». La pression est grande, même pour quelqu'un qui n'a plus rien à prouver.

    Alors Merckx et son staff doivent organiser l'événement, et rapidement.
    C'est même Merckx lui-même qui paiera de sa poche une grande partie des frais. Mais qu'importe, il faut aller vite, ce sera fin octobre ou jamais. Le vélodrome Vigorelli à Milan est choisi.

    Merckx participe à une dernière course le 11 octobre et se rend à Milan, le 12 avec son entourage. Mais les choses ne se passent pas comme prévu, la piste du Vigorelli est inondée et inutilisable pendant plusieurs jours.

    Il faut trouver en urgence un vélodrome de repli, Merckx convainc ses entraîneurs et sponsors, Mexico sera le lieu de la tentative.

    La préparation du champion aura été brève, mais on dit qu'il s'est entraîné quelques jours sur home trainer en respirant un mélange d'air en bouteille équivalent à celui que l'on trouve en altitude.

    Pourtant, Merckx semble fatigué, il a disputé plus de 120 courses de courses en cette année 72 – remportant notamment le Giro et le Tour – dont cinq en octobre, la dernière le 11 octobre, soit dix jours avant de s'envoler pour Mexico.
    C'est donc un coureur épuisé diront certains, à son pic de forme diront d'autres, en tous les cas, c'est un coureur qui est peu préparé qui débarque à Mexico.

    Pourtant, les premiers tours de piste laisse entrevoir un Eddy Merckx très confiant.
    Dès son premier entraînement sur la piste mexicaine, il demande à Ernesto Colnago d'augmenter son ratio, passant de 52/15 à 52/14, et prévoit avec son entraîneur un plan de course lui permettant de battre au passage les records du 5, du 10 et du 20 km, alors qu'il aura à parcourir près de 50 km !!!

    Mais le vent et la pluie font leur apparition à Mexico et Merckx doit reporter sa tentative. Il revoit aussi à la baisse ses velléités de battre les records des 5, 10 et 20 km et met en place un plan de course plus modeste.

    Son entraînement alors se fait sur un circuit automobile à Mexico dernière un derny. Eddy sur un vélo de piste chromée, difficile d'en retrouver la trace.

    Le jour et l'heure de la tentative n'est pas encore déterminée. L'entourage de Merckx pense qu'il faut la tenir le soir (pour des questions atmosphériques), alors que son médecin insiste pour qu'elle se tienne le matin, parce qu'avec le décalage horaire, Merckx est plus habitué à fournir son effort à ce moment-ci.
    Quant au jour, tout dépend de ce qu'annonce la météo. Et la météo annonce des conditions parfaites pour le lendemain, quatre jours après l'arrivée de Merckx en terres mexicaines.

    C'est donc le matin du mercredi 25 octobre que Merckx se lance à l'assaut du record.

    Ce matin-là se produit un petit événement anodin mais qui aura un impact déterminant sur la collaboration entre Merckx et Colnago, et qui constituera un détail important dans l'identification du vélo original.
    À la demande de son sponsor américain, Merckx accepte que l'on pose deux autocollants « Windsor » sur son vélo, marque de vélo mexicaine qui détient la licence « Eddy Merckx » pour le marché américain. Rien de bien méchant sauf que cela met Ernesto Colnago très en colère. Son bijou, son chef d'œuvre, avec les autocollants d'une autre marque... aie, ça fait mal.

    2000 spectateurs dans le vélodrome olympique de Mexico, des journalistes de tous les continents, l'ancien roi Léopold 3, etc. et à 8h56, Merckx enfile son casque, chevauche son rutilant vélo orange et, au coup de pistolet, se met à envoyer les watts.

    Les premiers tours de piste sont très très rapides (plus de 51 km de moyenne) et la suite ne fait que confirmer la forme exceptionnelle du champion. Merckx a été, à tous les points de passage, devant Ritter.
    La cloche sonne selon le plan de course établi, mais Merckx est en avance, très en avance, trop en avance. Le plan de course est complètement ignoré, Merckx semble être sur une autre planète, sourd aux appels de la cloche, insensible à la douleur. Il bat le record des 10 km, puis celui des 20 km. Et même lorsqu'il accuse le coup, autour des 45 minutes de course, son avance est telle que ses chances de réussite restent intactes.
    Les deux derniers kilomètres, réalisés à nouveau à une cadence infernale, lui permettent de reléguer le précédent record à 788 mètres, à plus de deux tours de piste, (le plus gros écart depuis le record de 1912).

    Merckx vient de parcourir 49,431 km en une heure, à 485 watts de moyenne.

    Les vidéos de l'époque montre un coureur exténué par l'effort déclarer qu'il ne sera jamais capable de faire mieux, et laisse aux autres le soin d'améliorer ce record.

    https://www.rtbf.be/sport/dossier/75-ans­-d-eddy-merckx/detail_merckx-a-l-heure-a­-mexico?id=10521067

    https://www.sonuma.be/archive/eddy-merck­x-bat-le-record-de-l_heure

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